Poésie

On se noie dans le poison,
Perdu Dans la fumée d’un joint.
Entre la rue et la prison,
Attendant qu’on nous tende la main.

Deux trois cannettes, un banc public
Et les regards de ces passants,
La compassion ou la critique,
Quand tu parles avec un accent,

Système vois-tu, jeunesse se meurt !
Et c’est tes mains qui l’ont tuée,
Combien d’abus, de mère en pleurs,
Combien se perdent dans la fumée,

Alors j’écris pour oublier,
Qu’on est voué à disparaître.
La poésie comme bouclier,
Pour ne pas vivre comme un traître.

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Douleurs sourdes-muettes

Ces larmes planquées par derrières des sourires
Et le silence qui chante la complainte des hivers
Même au milieu des fêtes qui célèbrent l’avenir
Les grisantes chansons n’étouffent pas le calvaire

Quand les proverbes vieillis ne redonnent plus espoir
Et que les doux printemps meurent à l’aube du soir
Les âmes meurtries savent la beauté des cœurs
Quand ils sont déchirés et entonnent leur malheur

Si la mort des étoiles ne déchire pas le ciel
Et que sans aucun bruit s’en ira l’hirondelle
C’est qu’elles savent la beauté qui s’impose sans fracas
Et qu’aux esprits meurtris même les cieux semblent étroits

Et si demain le jour devait revivre encore
Et qu’avec lui renaissent les peines des corps
Souvenez-vous de ceux qui pleurent en secret
D’avoir perdu un jour ces choses qu’on ne recréé

Que les jours cléments ne perdent votre vigilance
Car le bonheur prélude toujours la malchance
Et qu’importe la vigueur mise pour amarrer navire
Aucune corde n’empêchera que le bateau chavire.

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A vous.

A tous mes frères d’existence, à tous mes codétenus de la terre
A ceux qui savent la souffrance d’une vie dont on ne sait que faire.

A ceux qui crèvent en silence des jours qui donnent le mal de mer
A ceux qui depuis la naissance se ne font qu’errer sans nuls repères.

A ceux jalousent tous les jours les grands sourires des imbéciles
A ceux qui hurlent à s’en rendre sourds, à vous mes fantômes des villes.

A ceux qui crachent sur la vie, sur le bonheur et ses promesses
Ceux qui attendent une greffe de cœur pour ne plus se perdre dans les ivresses

A ceux qui furent maintes fois trompés par de belles plantes empoisonnées
A ceux qui voudraient tout changer mais voient l’histoire se répéter.

Pour ceux qui se lèvent à la tombée du jour et pour ceux qui ne dorment plus
A vous mes frères hérétiques, à tous les voyageurs qui sont perdus

Je vous entends…

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Mer sanguine

Comment donc effacer ton nom, ou ton visage, de ma mémoire ?
Le doigt tremblant sur cet écran, je rêve de te parler encore
Comment pouvoir tourner la page lorsqu’elle sonne la fin de l’histoire ?
Une lame posée sur mon poignet, je ne fais qu’espérer la mort.

Combien de femme dois-je séduire, pour que s’évanouisse ton ombre ?
Déjà elles m’en veulent de n’être qu’un fantôme habitant un corps.
Combien de fois dois-je revivre le naufrage d’un navire qui sombre ?
Une lame posée sur mon poignet, je ne fais qu’accepter mon sort.

Je t’attendrai, et à jamais, au delà de l’ultime frontière
Et si tu me rejoins un jour, cela vaudra bien toutes ces prières
Je t’attendrai, et pour toujours, en scrutant par les meurtrières
En attendant je noie ma peine dans ces mers faites de vins amers.

 

#histoire, #histoire-courte, #pessimisme, #poeme, #poesie

Routine Assassine

Paraît qu’il avait des rêves avant. Des rêves de gauche, des rêves d’enfant, des rêves trop grands. Mais ça c’était avant, maintenant il est grand. Quand on est grand, on a pas le temps de rêver tu sais, faut travailler qu’on lui disait. Faut faire des sous, puis se marier, puis faire des gosses, puis crever, puis se faire oublier.

Anéanti par la tiédeur d’une vie trop longue à ne rien faire, Serge avait décidé de mettre fin à son calvaire en cette nuit de juillet. Il avait opté pour une balle dans la tête. Rapide et sans douleur, l’autoroute de la mort. Le canon de son arme reflétait la lumière opaline d’une lune blême. Serge essayait de trouver ce qu’il léguait au monde, mais il ne trouvait pas.

Il avait vécu une vie qui ne valait rien. Une maison à crédit, une femme au rabais, un travail qui ne payait pas, des enfants qui n’appelaient plus. Il n’avait jamais eu de ces rêves qui hantent l’âme des grands hommes, ces rêves qui font de vous un génie ou un fou, ou les deux bien souvent.

Serge ne rentrerait pas dans les livres d’histoire. Tout au plus, il serait dans la mort ce qu’il fut toute sa vie : une suite de nombres, une statistique. Il avait fait partie des vingt-deux pourcents de fonctionnaires, avait gagné en moyenne six mille francs par mois, vécu huitante ans. Il se noyait dans la masse de ces sept milliards d’âmes perdues qui erraient sur la terre en attendant leur fin.

 

Il avait soudain honte de sa normalité médiocre et tentait une dernière fois de trouver le coupable de ce triste gaspillage. Serge était l’unique progéniture d’un couple de commerçants économes et travailleurs, radins et apathiques. Ils lui avaient appris à rester dans le rang, à être ni trop bon ni trop con, à obéir à celui qu’on appelle le patron. Etait-ce leur faute à eux si Serge avait été un bon petit mouton ? C’était trop facile de blâmer ses parents. Trop facile, mais si rassurant.

Et le travail dans tout ça ? Serge avait été enseignant au collège. Il avait passé quarante ans à parler de vieux livres à de jeunes illettrés. Serge aurait aimé écrire, mais il n’avait ni les idées de Montesquieu, ni la verve de Chateaubriand, ni l’âme noire de Baudelaire, ni la folie de Rimbaud. Serge était tout juste bon à expliquer des textes qu’il n’aurait pas pu écrire à des jeunes qui ne les avaient pas lu.

Tous les matins la même routine : deux cafés, un Xanax, une demi-heure de bouchons à contempler un ciel gris pour arriver enfin dans un collège trop vieux. Après avoir demandé hypocritement, à des collègues dont il se foutait, comment ils se portaient, il rejoignait sa classe et commençait à discourir. L’enseignement, c’est le prototype d’une vie qui stagne et finit par pourrir. Chaque année, il vieillissait et présentait le même cours à des élèves qui eux, avaient toujours le même âge. Chaque année, une nouvelle volée pareille à celle d’avant : un emmerdeur, un lèche-bottes, une grosse et quinze autres mômes sans intérêt. À faire chaque jour la même chose, il n’avait pas vu s’enfuir le temps. Tout entier submergé par l’ivresse de la routine, quarante ans avaient passé en un battement de cil. Un matin Serge avait pu lire dans les rides sur son visage « Tu as gâché ta vie en la passant à travailler ».

Et l’amour alors ? Celui-là même qui avait été la muse de ces auteurs qu’il couvrait de louanges à longueur de journée. Cet amour qui vous porte au dessus des nuages pour y voir le ciel bleu. Le grand amour, ou la douce illusion de compter pour quelqu’un, d’être enfin indispensable, de ne pas vivre en vain. Cet amour sacré, à qui tant de poèmes et tant de chansons ont été dédiés, Serge ne l’a jamais connu.

Serge avait été marié bien-sûr, à une femme du nom de Marie. Il avait pensé l’aimer, au début, mais le temps est cruel et fane la beauté des femmes qui n’en ont pas. Marie était devenu une inconnue sous son toit. Une présence silencieuse à qui il ne parlait plus, un cadavre en devenir qu’il ne touchait plus depuis bien des années.

Faut dire que Serge et Marie, ils allaient bien ensemble. Elle était aussi morne et inintéressante que lui. Elle avait le matin l’haleine fétide du café, et en rentrant le soir, une odeur d’hôpital et de transpiration. Marie était infirmière. Elle trainait, chaque jour, un corps déformé par deux grossesses et un peu trop de chocolat. Remarquant un jour que l’homme qu’elle avait toujours pensé aimer ne posait plus les yeux sur elle, elle avait voulu rallumer la flamme d’antan. Marie s’était donc résolue à essayer tous les régimes miracles dont parlaient les magazines pour ménagères trop grosses. Elle s’était ruinée en lingerie et en bouquins pour couples qui s’ennuient. En dépit de ses efforts, la flamme ne s’est pas rallumée et pour cause, il n’y avait jamais eu de flamme. Abattue par ce constat qui, tel un discret courant d’air, réduisît à néant le fragile château de cartes qu’était sa soi-disant « vie réussie », Marie avait sombré dans une de ces lentes dépressions que personne ne remarque. Un soir, après une longue journée d’un travail harassant, elle  pris l’autoroute à contresens pour finir sa vie encastrée dans la calendre d’un poids lourd. Un enterrement minable, un mari qui ne pleura pas, des collègues qui ne vinrent pas, une logorrhée banale sortant de la bouche d’un curé qui ne la connaissait pas. Quelques cendres dans un vent tiède, le silence et l’indifférence, une vie sans intérêt qui ne laisse pas de traces, ni sur terre ni dans les cœurs. Un subreptice passage dans un monde bien trop grand qui l’eut vite oublié.

En plus d’un travail et d’une femme aussi pathétique l’un que l’autre, Serge avait eu deux enfants : Angela et Timothée. Ces deux là avaient été les deux plus gros ingrats qu’il ait connu. Pour qu’Angela ait la possibilité de faire des études, Serge et Marie s’étaient saignés aux quatre veines. Après y avoir laissé toutes leurs économies, Angela avait trouvé un travail bien payé dans une de ces « start-up » dans lesquels tous les requins qui finissent des études d’économie rêvent de travailler. Sa nouvelle situation avait fait naître dans son esprit une un profond snobisme teinté de mépris pour ceux qu’elle considérait comme « inférieurs » et dont faisaient partie ses parents. Alors au fil du temps, sans que personne ne s’en rende vraiment compte, Angela a commencé à ne plus venir chez ses parents que bimensuellement,  puis seulement aux fêtes et aux anniversaires, puis plus du tout.

Et Timothée alors ? L’unique mâle de la portée, celui-là même qui portait le lourd fardeau de transmettre plus avant le patronyme familial. Elle était là, l’unique chance de Serge de léguer quelque chose au monde, ne serait-ce qu’un nom de famille. Un nom de famille porté par de prometteurs petits enfants comme un palliatif au fait de savoir que, à l’instar des yaourts, on a tous une date de péremption. Serge aurait voulu une abondante postérité. Une ribambelle de gamins aux yeux de feu, aux yeux qui brillent comme seules brillent les yeux de ceux encore épargnés par la vie. Serge aurait voulu voir dans leur regard que l’échec de sa vie n’aurait d’égal que la réussite de la leur. Mais même s’il existe un paradis duquel on peut scruter la terre, même s’il est ouvert aux fonctionnaires, et même si Serge y est admis, il ne verra jamais aucun de ses descendants devenir un grand homme. En fait, il ne verra jamais aucun de ses descendants, tout court. Car Timothée n’aura jamais d’enfants. Pourquoi ? Parce que Timothée est déjà mort. Il est mort d’excès : Trop de cadeaux et de laxisme qui furent la seul éducation que Serge lui prodigua, trop liberté d’un coup en atteignant l’âge adulte, trop de drogue et d’alcool ce funeste soir de novembre et enfin, l’ambulance qui arriva trop tard.

Soudain, une larme cristalline s’échappa de l’œil droit de Serge. Elle alourdi un moment ses cils avant de les faires céder, serpenta entre des rides aussi profondes que des vallées, et se jeta, pour y mourir, sur le canon du revolver. Une autre suivi. Puis une troisième. Puis se fut un torrent de larmes salées et amères qui coulèrent sur le visage du vieillard. Un millier de larmes silencieuses implorant le pardon d’un Dieu sourd. Mille larmes désolées, une vie désolante. Un vieillard esseulé, le révolver qui chante.

 

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